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Affichage des articles du 2022

Sixième fois

 C'est la sixième fois que je vis cela. Ton décès, encore. Un anniversaire glauque, auquel j'essaie malgré tout d'ajouter de la lumière.  J'ai allumé des bougies. J'ai voulu croire qu'on pouvait encore communiquer.  Les enfants sont à l'école et le travail se déroule sans moi aujourd'hui.  Je suis pleinement fille de toi. Parce qu'on ne se remet jamais vraiment des hommes qui nous quittent.  Surtout pas toi, le premier,le père.  Celui que je n'ai pas su lire, celui qui n'a pas su me comprendre.  Je t'en ai voulu beaucoup, de tout. D'avoir essuyé mes tristesses à coups de colère.  D'avoir semé en moi la haine de qui je suis. De m'avoir appris, malgré toi, à quêter l'amour dans les mauvais bras, à repousser les âmes belles, ne m'y croyant pas apte. Je t'en ai voulu d'être toi, de ce que je croyais que tu étais.  Avant de savoir.  Que ta maladie grugeait ta douceur, qu'elle te rendait aigri et impatient, que p

Petit homme

 Entre deux rangées à la pharmacie, je tombe sur cet homme vieillissant et sa femme, silencieuse, effacée.  Je le dévisage assez longtemps pour éclairer ma mémoire et retrouver le souvenir attaché à ce malaise provoqué par sa personne.  C'est donc lui, cet enseignant antipathique qui s'évertuait à faire éclater les rêves de ses élèves les plus vulnérables; du moins les miens. Lui,menteur,qui avait énoncé en pleine classe que je n'écrivais pas mes textes moi-même, insulte ultime pour la pré-adolescente que j'étais, pour qui rien n'existait hors des mots. Petit homme, tu ne m'impressionnes plus. Te voilà recourbé sur tes douleurs de vieux monsieur, tu as perdu la grandeur de ta taille et le respect que j'ai dû t'allouer,jadis. Je te vois trottiner vers la sortie, ta main solidement accrochée à tes achats, et je n'éprouve que le soulagement de voir nos chemins séparés. Tu vois, les mots et les livres sont restés à mes côtés, intouchables amis. T'as

La maison larmoyante

 Je marchais, suis passée devant.  Elle était refaite un peu, du bois pour de nouveaux printemps.  Puis cet homme,  réparateur de maisons tristes, m'a révélé que la pauvre, elle pleurait dans la cave, elle se mouillait le sol jusqu'à créer de la moisissure.  Triste bâtisse, qui déjà, avait essuyé les traumas de notre enfance,  les douleurs de ses anciens résidents, englués dans des communications floues.  J'ai souhaité, alors, que ce bon monsieur lui redonne de l'air pur, un peu d'espoir pour que tiennent ses fondations.  Assez d'amour, aussi,  pour que plus personne ne s'y enlève la vie. Ta maison,papa; te pleure encore.  

Faire arrêter la roue

 Marcher, main dans la main Petite armée familiale contre la routine  Ils me racontent leurs jours Des rêves entre leurs paumes douces Trop rapidement,  les grillages de la cour d'école se posent à ma vue Voilà l'aîné qui part,là où je n'ai pas oublié les lois J'ai le coeur gorgé de tristesse De ne pouvoir l'en protéger  Un peu plus loin C'est la garderie  Petite bulle d'amour  Je me sens plus apaisée Mais,tous les matins Je ne peux m'extraire De cette vive impression  Qu'un jour Il faudra arrêter la roue Redonner le temps au temps  De nous permettre de s'émouvoir  Des champignons sauvages qui poussent parfois  Sur le chemin 

Du soir au matin

 Au creux du quotidien  Chercher des lieux où être soi Attendre, parfois Que les feux soient éteints Et la marmaille endormie  Pour retrouver  L'espace, le vide S'étirer les orteils Et les rêves  engourdis

La fonte

 Être soi Est parfois embêtant On ne mesure pas toujours L'ampleur des désastres Que l'on sème Je ne contrôle rien Ou si peu Alors cette barre Bien haute dans les airs Me laisse croire Que je gagne en muscles Et qu'un peu Je renforce mon coeur

Si

 C'est à elle que j'écrirais Pour lui raconter  Comment je relis  nos échanges Et tente d'imaginer Un peu d'espoir Sous le point final J'écrirais la perte À celle pour qui Le départ est un peu soulagement Une libération Des liens qui pèsent J'entends que la distance, la vie et mes manquements ont meurtris les possibles Sonne alors le verdict Je ne serai jamais plus L'amie majuscule Je serai ermite C'est bien ce titre qui me décore  Trop bien le coeur La solitude est un lieu Dont j'ai la clé Pourtant, dans mon ciel C'est à elle, encore Que je confierais Mes astres

L'amitié perdue

Le coeur empiécé, L'espoir comprimé au thorax gris du silence  Elle ne m'écrira pas Le poids de son absence  Coupe la lumière  À tout ce qui germait déjà  Je reconnais le gouffre Qui m'entraîne  Là où l'amour n'existe pas Le souffle court La gorge sèche d'avoir trop parlé  Seule De tout ce qui ne se dit pas Maintenant  Mes idées se butent Au néant Et je mâche ma peine

Fillette

 Le vide,au travers du silence  Est un vieil ami oublié. Je reprends sa main. Il me mène là-bas, À celle que je n'ai jamais été. Une fillette forte, Sous une couronne de peurs bouclées, N'ose avancer, de crainte d'être mordue. Elle s'accroche, les mains blêmes, À des rêves tortueux Ne voit d'elle-même que l'ombre de son ombre apeurée. Je ne sais être forte, pourtant Cette fois, nous serons deux. J'avancerai,sa paume dans la mienne,  Referai doucement le chemin Pour apprendre enfin à m'aimer. 

Courir.

 Le soleil au beau fixe depuis quelques jours Le ciel gorgé du bleu des rêves estivaux Je suis allée courir Même si mes jambes participaient à reculons  La fierté d'avancer  Puisque chaque pas compte Et qu'après, le coeur éveillé et les membres éprouvés Il a fallu aller combattre l'ennemi  Une injection; la dernière  Pour espérer que plus jamais ne revienne  Cette ombre qui s'est posée en moi Il faudra attendre pour savoir  Si pèse encore la menace  Mais je me refuse à l'angoisse  Et j'irai courir, lever des poids lourds Dompter mes craintes  Pour ne pas saccager Les moments doux Le jardin joyeux, et les enfants en fleurs 

Les chemises

Elles sont lignées À carreaux À franges Ornées de motifs Y'en a même une dont j'ai dû retirer Les épaulettes Toutes proviennent d'un vie d'avant Je me réinvente la mienne dans vos vieux chiffons Et lorsque s'allume la caméra de l'écran Et que s'affiche mon faciès parmi les autres invités La réunion va débuter Ma chemise est une armure et un talisman Pour sécuriser mon anxiété grandissante Je souris, même terrorisée Mais les fleurs sur les tissus que je porte Sont tremblantes d'être à hauteur de (toutes) les situations Les épines sur le coton Me piquent un peu Mais c'est une maigre punition Puisque j'ai au nez  Les effluves de tous ces jardins colorés

Je vis.

 Je vis.  Il y a ces enfants fous de bonheur à courir dans les champs, à venir semer des sourires au réveil.  Il y a cet homme discret qui évolue à mes côtés, patient et attentif au travers de ses silences. Il y a ces angoisses qui me taraudent le coeur, Ces désirs parfois d'être une autre,  plus forte et plus neuve. Il y a ces petits pas pour croire en moi. Une fillette qui se déploie lentement, dans un corps de madame.  Je vis.

Enough

 De la peur de ne pas être assez Ni bonne mère Ni bonne employée J'ai franchi la porte des trente-cinq ans En ai perdu des plumes en sortant Et même si je sais Que chaque jour sur cette terre est un cadeau Je me sens vieille dans ma peau Et je suis Terorrisée À l'idée de ne pas être assez

Mais où vont les outardes qui reviennent?

 Je les entends, lorsqu'elle reprennent le rang vers leur destination originelle Une flèche volante transperçant le bleu du ciel Au petit matin, lorsque mon grand mari part pour faire besogne Le soleil ces jours-ci réchauffe mes incertitudes Il y aura des demains glorieux Gorgés d'espoir et de confiance Il faut parfois seulement Encore un peu d'amour de soi

Attendre

Rafraîchir à outrance La page d’accueil de ma boîte de courriels Pour constater L’absence de ce que j’y attends Mettre ma vie sur pause Voir à des milles devant Une vie dans laquelle je serais quelqu’un Une femme autre Avec des occupations rémunérées Une pension  (on m’a dit que pour les vrais adultes, c'est du bonbon) Et des jours de congé Mais Je dois attendre Et me ronger les ongles Un peu Beaucoup passionnément

Montréal, la belle

Avant huit heures, j’étais prête Je ne voulais pas arriver en retard Je préférais te voir, t’observer de loin Avant le rendez-vous Le train a sillonné la route dans le silence du printemps grisonnant De La Concorde,  les vers de terre se tortillaient sur l’asphalte Un tapis d’accueil pour banlieusards sous la pluie Dans le métro J’ai fait la file pour un billet Contente d’un peu retrouver ma terre d’accueil Et dans les wagons J’avalais la ville de mes yeux Charmée Des passagers greyés de leurs plus doux parfums Des cheveux fraichement sculptés Des sacs qui baluchonneront toute la journée Des denrés, des boîtes à lunchs Montréal, la belle Me pardonnes-tu d’avoir quitté Mon cœur t’est resté accroché Mais j’ai l’amour volage Lorsqu’il est question de survie Et que je ne peux pas me payer Chez toi plus qu’un un et demi...

Assez bien

Je vais aujourd'hui assez bien Pour recommencer les germinations Remettre de petites graines sonnantes au fond des pots De celles qui reposaient depuis des mois au fond de l'armoire Fenugrec, radis, pois Mélange de couleurs et de tailles Cesser le sommeil de la vie Les immerger et savoir que ça poussera J'ai même réussi  À aller porter et chercher les enfants Sans les presser à avancer Le glas imminent de la cloche N'a pas refroidi  Mon moral sucré

Vingt fois

Première incisive tombée. Il attendait le passage de la fée des dents, c'était même le haut fait de la fin de semaine. Le jour même, nous avions bricolé une dent de feutre, pour festoyer l'arrivée de la visite. Il lui a ajouté un chapeau de police, du même respect mêlé d'admiration qu'on les enfants en bas de dix ans pour les forces policières. La faute aux sirènes déclenchées pour épater la galerie devant les marmots. Face à son enthousiasme sans fin pour la profession, je lui réponds constamment qu'il sera policier s'il le souhaite plus tard, mais que je risque pour ma part d'être une vieille femme manifestant pour le climat. On risque de se croiser au front, mon gars. Je m'égare. Le soir venu, il a fallu beaucoup de persuasion pour qu'il daigne s'endormir. Monsieur devait vérifier aux deux minutes si une certaine fée était passée. Il a fini par dormir. La partie n'était pas gagnée. Il fallait décider qui allait accomplir l'ultime missi

Non!

 Je t'ai dit non Arrête d'essayer de me chatouiller Tu le sais bien Qu'à chaque fois  Mes pieds partent tu-seuls Tu dis que je t'attaque Je dis que c'est un réflexe Mon corps n'en est pas un pour des guilis Hey, t'écoutes pas Je t'ai dit non Mes bourrelets C'est pas pour jouer Tu vois bien que j'essaie D'apprendre le consentement aux enfants Veux-tu bien finir par me laisser Le gras du ventre tranquille

La gadoue joyeuse

Il pleut, il pleut bergère C'est l'heure de ranger ta pelle Pas besoin d'aplatir les monticules de neige qui t'énervent tant sur ton terrain Mon corps s'est éveillé J'ai envie de me dévêtir Mais pas pour tes beaux yeux Plutôt m'enrouler Dans une passion négligée Elle était là Attendait sagement La littérature J'ai recherché mon Becherelle Et les dictionnaires datés Regarni les étages De ma bibliothèque Et je lis. Je lis. Je lis. La sève de mon amour des mots n'a pas faibli Je me suis enfin retrouvée
La tristesse de savoir que le talentueux Karim Ouellet est décédé... Il sera dans nos coeurs à jamais. Même si cela n'efface pas une miette de la souffrance qu'il a dû porter ni de celle de ses proches... https://www.youtube.com/watch?v=MMJuomzNkPY

Tu peux me chanter une chanson?

 J'avais oublié la berceuse qui guérit tous les maux Ça expliquait les gazouillis incessants dans la chambre des enfants Trop prise par mon cerveau-sans-répit, j'avais oublié d'être maman Parce que Ouvrir les valves de mes inconstances, ce matin Permettre au flot des douleurs de gruger le téléphone Pour expliquer mon besoin de médicaments Ça a brouillé les cartes De ma liste de tâches à faire Je suis redevenue toute petite Chose flasque et peu vindicative Que j'ai été si longtemps J'ai tout dit, tout dépoussiéré Même les craques que j'évite d'habitude, pourtant En espérant enfin Pouvoir consulter le psychiatre Mais Il vous faudra plus, Madame Il vous faudra attendre, des mois Il vous faudra déballer encore vos déboires putrides Espérer être crue et entendue Tenir entre vos mains votre futur diagnostic Il sera tout chaud et fragile, vous allez devoir bien le protéger Prendre vos pillules à heures régulières Jaser au plein tarif avec un membre de l'Ordre E

Mauvaise note

 Je n'avais pas reconnu sa voix. La première fois, je gérais un enfant en poussette qui avait fait caca dans ses pantalons et un grand de maternelle qui grimpait les butes de neiges sur le chemin vers la maison. Il faisait froid, j'avais gardé le téléphone en main assez longtemps pour que mes doigts en soient glacés, lorsque j'avais raccroché, encaissant l'annonce: mon dossier avait stagné, l'infirmière n'avait pas rempli le bon formulaire. J'avais ragé. Contre un système inadéquat, l'absence de médecin de famille, la liste d'attente elle-même en attente d'être prise en considération par un diplômé généraliste. Faute de mieux, après que toutes les portes eurent claqué, j'avais sorti ma carte de crédit. Ça devait être simple. Un appel, une super infirmière, de superbes pilules approuvées par un médecin en haut de l'arbre hiérarchique. Mais..... non. Antécédents familiaux, pas de prise en charge, merci, bonsoir. Mais on vous pla