Le nous s'est glissé
Entre des cours de danse
Mes jambes invasives piétinaient souvent tes pieds
Je ne sais plus comment
Tu as proposé de prendre le thé
Mais très vite
Nos phrases ont dit l'amitié
Toutes les deux
Refusions
D'adopter du gazon de banlieue
On préférait cumuler
Les tasses dans des cafés de quartier
Mettre nos vies sur la table
Entre des matchas lattés
T'était forte et mère-puissance
Tu voyais chez moi des destins oubliés
J'aurais rêvé être astronaute que tu y croyais déjà
Je n'étais que cette fille
Qui attendait d'être choisie
Beaucoup d'amours amers
À mon pedigree
J'ai voulu une étoile
Dans mon petit cahier
Être une femme comme tant d'autres, et autrui enfanter
Et si ça a brassé
Les entrailles de qui je suis
Il a fallu ton appui solide et droit
Pour que maternité soit douce
Moi qui venait d'une lignée
De diagnostiquées
On a enterré ensemble
Les ossements de nos hiers
anguleux
On a cru devenir soeurs et repousser l'ennemi
On avait oublié
Qu'en nous-mêmes
Se jouaient des théâtres
On s'est aimé dix ans
Et je l'espère encore
Celle avec qui je rêvais
Contre le patriarcat de semer des aurores
Nos maris assis dans nos cuisines de maisons
On était à nous deux la puissance
L'audace et l'espoir
De ces femmes qui n'en peuvent plus
D'assister aux ravages
Notre sororité
Aurait vibré
Dans les rues des manifs
Les chiennes de garde auraient crié
La révolution
Mais
On s'est usé nous même
Au feu de notre ardeur
Et nos colères qui devaient
Effrayer les puissants
Se sont tournées vers nous
Ont flambé nos élans
Et la corde du coeur
S'est brisée tout doucement
On s'est dit toxiques
On s'est cru ennemies
On s'est dit adieu
Pour cent ans de trop
Mais je pense alors
Que les seules coupables
Sont ces plaies béantes
Qu'on avait ignoré
Le cumul des lourdeurs
Nos sacs trop pesants
Pesants des rôles à incarner au levant
Pesants des combats qu'on n'a pas su gagner
Pesants de ces bagages qu'on traînait
avant
Il est tard,je sais
Et nos âmes lessivées
Ne savent plus
Se sourire tout bonnement
Qu'on se pardonne alors
La collection de querelles
Qu'on puisse s'aimer même après les obus
Je suis malhabile et je sais
Tes orteils cassées
Dans mes dédales pourtant
J'espère dans tes songes
Être du bon côté
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