Le fleuve dépose des restes d'un oiseau dépecé. Je m'arrête, le regarde, dégoûtée, coupable d'être arrivée trop tard. L'automne est là, dans les bourrasques où les feuilles cherchent la chaleur à l'intérieur des chaumières, elles s'engouffrent dès qu'une porte s'ouvre sur le dehors. Je ne sais pas si j'avance comme je le devrais, ni vers où. Je repense à l'oiseau qui a fini attaqué sur la plage. A-t-il pu accomplir tout ce qu'il souhaitait avant le coup de bec fatal du grand rapace ?
Je fais mon petit bout de chemin pas révolutionnaire, je garde mon corps actif, je fais mon boulot sagement et avec empathie, je prépare à souper à des enfants largement difficiles à satisfaire, j'accompagne les devoirs et la routine dodo, jusqu'à l'épuisement, et là, j'ouvre un livre, quelques pages avant de sombrer dans le sommeil.
J'entendais récemment d'une autrice en entrevue qu'elle rêvait, enfant, d'écrire. Et cette profession bénie semblait toute naturelle aux yeux de l'animatrice. Je me pose, depuis, la question : combien avons-nous été à partager ce même rêve, enfant, sans que jamais rien ne le concrétise, outre de polis retour après l'envoi de manuscrit ?
Nos rêves, parfois, sont cette carcace qui m'acère dans un nid d'algues : ils patientent, ils attendent qu'on leur offre une voix, un canal d'émancipation.
J'ai envoyé un texte au concours de nouvelles de Radio-Canada. J'attends les retours sur mon manuscrit d'une professionnelle du domaine, pour goûter un peu à l'univers de l'édition, m'approcher le plus près possible de l'arène où ne sont invités que les gens triés sur le volet. Je me dis qu'il reste l'écriture, comme un mode de vie, les poèmes jusqu'à la fin du monde, même s'il seront peu ou pas lus.
Aimer la littérature, comme un amant dont le souvenir écorche, mais y retourner quand même, parce que l'attirance palpite malgré les rejets.

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