La quiétude est une denrée fragile. On la prend pour acquis, autant que la jeunesse, qui pourtant se dérobe à nous chaque seconde un peu plus. C'était un mardi, il y a deux semaines, environ.
Petite maison de banlieue, grande fenestration laissant voir un paysage automnal. La voiture du voisin garée comme à l'habitude. Un soleil frisquet qui tente lentement de nous adapter à la nouvelle saison. Je suis assise à la cuisine, sur un espèce d'îlot qui prolonge un comptoir. J'en suis à ruminer encore et encore sur des questions bêtement insipides mais qui obsèdent mon esprit.
Et ça arrive.
La porte de la maison s'ouvre devant moi, désemparée. Sur l'instant, je crois qu'il s'agit d'un livreur de bulbes, puisque mon mari en commande beaucoup ces derniers temps, la faute d'un jardin immense qui fait la guerre aux pelouses du quartier. Mais quel livreur tenterait de s'immiscer ainsi dans l'intimité d'autrui?
Je m'avance, en panique, faisant maintenant face à un quidam surpris.
-Y'a une Roxanne qui habite ici?
-Non!
-T'es sûre de ça?
-Oui!
Je ferme et barre prestement la porte. Il est petit, trapu, porte une veste bleue à carreaux. Un nez mutin, un regard de désespoir. Je fais rapidement le tour de la maison, évalue les possibilités qu'il se terre au sous-sol, réfléchit aux probabilités qu'il soit doté de pouvoirs magiques. Impossible. Pourtant, il est encore dans les parages, je l'entends aux bruits qui proviennent de l'extérieur.
Sans trop pouvoir l'expliquer, j'ai soudainement peur pour ma vie.
J'appelle les urgences.
-Oui, Bonjour, 911.
-Bonjour. Un homme est venu chez moi, il a ouvert la porte. Il a demandé à parler à une femme du nom de Roxanne. Il est dans ma cour, je crois. Il fait du bruit. Je suis désolée de vous déranger, je sais, c'est inusité, mais il était vraiment étrange, Il fait du bruit.. Vous voulez rester avec moi un instant, je vais aller voir ce qu'il fait…
-Parfait madame, nous sommes là.
-Est-ce qu'il a volé mon vélo? Non. Ben voyons! Il a bougé le bac de recyclage et de poubelles! Et il est parti! Il a bougé les bacs devant le trottoir!
-Nous allons envoyer une patrouille, mais peut-être est-ce seulement une personne perturbée. Vous êtes près du train, madame.
-D'accord, merci…
Élaborer, dans le silence de l'angoisse, les théories qui expliquent les agissements de l'étrange personnage. Il tentait de commettre une entrée par effraction et voyant que j'étais à la maison, a tout de même décidé de déplacer les conteneurs pour signifier à ses complices que cette résidence n'était parfois pas barrée.
Ou alors, la vie de cette Roxanne ne tenait qu'à un fil, cet homme violent cherchait par tous les moyens de la retrouver, et barrant ainsi la route de notre stationnement, voulait lui signifier qu'elle ne serait jamais en paix, jamais.
J'ai dû sortir, reprendre le chemin de l'école pour aller chercher le plus vieux. Les feuilles dansaient le swing dans le rue, heureuses de pouvoir festoyer. Leurs pas sur l'asphalte m'effrayaient, me faisaient sursauter.
Je vivais, pour la première fois, une peur qui m'était jusqu'alors inconnue. J'avais, comme la majorité des femmes, été traquée dans des endroits publics, suivie dans des rues pourtant achalandées, mais jamais, auparavant, ne m'étais sentie en danger ainsi, chez moi.
Même le plus paisible des refuges peut être assailli.
Quel maniaque ! Ton hypothèse développée sur le repérage a bien du bon sens. Checke ça. Je suis comme beaucoup de gens un adepte de la saine paranoïa, je barre tout le temps. Cela dit, ça n'a pas l'air le calme plat tout le temps la banlieue !
RépondreSupprimerLa saine paranoïa, j'aime bien ce concept! Je barre dorénavant! On ne m'y reprendra plus!
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